Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/240

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héros qu’elle ne perd jamais. Édouard, malgré sa colère, ne put refuser son admiration à madame de Granson. Plus touché de la fermeté avec laquelle elle continuait de demander la mort, qu’il ne l’avait été de sa douleur, et les dernières paroles qu’elle venait de lui dire lui faisant soupçonner quelque chose d’extraordinaire dans cette aventure qui méritait d’être éclairci, il fit signe à ceux qui étaient dans sa tente de se retirer. Votre vie, lui dit-il alors, et celle de vos concitoyens vont dépendre de votre sincérité. Quel motif assez puissant vous a déterminé à l’action que vous venez de faire ?

La vie, sire, me coûterait moins à perdre, répondit-elle, que l’aveu que votre majesté exige ; mais l’intérêt d’une vie bien plus chère que la mienne triomphe de ma répugnance. Vous voyez à vos pieds une femme qui a été assez faible pour aimer, et qui a eu assez de force pour cacher qu’elle aimait. Mon amant, persuadé qu’il était haï, a eu cependant assez de générosité et de passion pour sacrifier sa vie à la conservation de la mienne. Une action si tendre, si généreuse, a fait sur mon cœur toute son impression. J’ai cru, à mon tour, lui devoir le même sacrifice ; et ma reconnaissance et ma tendresse m’ont conduite ici.

Mais, dit la reine, pourquoi tant de contrainte ? Car je suppose que vous êtes libre, et que votre inclination est permise. Je n’ai pas toujours été libre, madame, répondit madame de Granson ; et depuis que je le suis, il fallait une action aussi extraordinaire pour m’arracher l’aveu de ma faiblesse.

Quel est donc cet homme, reprit Édouard, qui a