Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/262

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le peu que je vaux. Eugénie m’a éclairée sur la plupart des choses ; elle me les a fait voir telles qu’elles sont ; et, si elle ne m’a pas empêchée de faire de grandes fautes, elle me les a du moins fait sentir.

Dès que je fus retournée dans la maison paternelle, on songea à me donner des maîtres que je n’avais pu avoir dans le couvent : les plus chers furent préférés. On se persuade, quand on est riche, que les talents s’achètent comme une étoffe. Heureusement la nature avait mis ordre que la dépense ne fût pas perdue avec moi. J’étais née avec les plus heureuses dispositions : je fus bientôt la meilleure écolière de mes maîtres. J’avais, outre cela, une figure charmante : il y a si longtemps que j’étais belle, qu’il n’y a plus de vanité à dire que je l’étais en perfection.

Être belle, être excessivement riche, c’était plus qu’il n’en fallait pour attirer les prétendants ; aussi vinrent-ils en foule : heureusement mon père s’était mis dans la tête de ne me marier qu’à dix-huit ans.

Ma mère seule eût été bien capable d’attirer du monde chez elle : si elle n’était pas aussi régulièrement belle que moi, elle ne laissait pas de l’être beaucoup ; et, si elle n’eût voulu être que ce qu’elle était, elle eût été tout à fait aimable : mais elle voulait être une femme de condition ; elle en prenait, autant qu’elle pouvait, les airs et les manières ; ce n’est pas tout : elle voulait avoir plus d’esprit que la nature ne lui en avait donné. Il y a de certaines expressions que les gens du grand monde mettent de temps en temps à la mode, qui signifient tout ce qu’on veut, qui ont été plaisantes la première fois qu’on en a fait usage, mais