Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/263

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qui deviennent précieuses ou ridicules, quand on s’avise de les trop répéter.

Ma mère tombait à tout moment dans cet inconvénient : les façons communes de parler n’étaient point de son goût ; les élégantes ne lui étaient pas familières ; elle s’y méprenait presque toujours : je ne sais si c’était pour se donner le temps de les trouver, ou si elle y entendait finesse ; mais elle traînait toutes ses paroles.

Que la façon libre dont je parle de ma mère ne prévienne point contre moi : je n’ai jamais manqué à ce que je lui devais ; je l’ai aimée tendrement, et j’étais quelquefois au désespoir du soin qu’elle prenait de gâter tout ce qu’elle avait de bon et d’aimable : je m’imaginais que mon exemple la corrigerait ; j’avais pour cela une attention continuelle à éviter tout ce qui avait la plus légère apparence d’affectation.

Du caractère dont je viens de la dépeindre, on juge bien qu’elle ne voulait vivre qu’avec les personnes de qualité : les noms, les titres faisaient tout auprès d’elle. Avec quel soin, avec quelle dépense allait-elle se chercher parmi ces gens-là des ridicules et des dégoûts ! N’importe, tout était supporté pour avoir le plaisir de se montrer aux spectacles avec une duchesse, et pour dire à quelques complaisants du second ordre : La duchesse une telle, le duc un tel, viennent souper chez moi.

Ces jours si agréables n’étaient cependant pas sans embarras : il fallait écarter de la maison ces mêmes complaisants à qui mon père avait donné le droit de venir familièrement, et dont ma mère aurait eu honte. Quelques petits parents étaient dans le même cas, et