Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/264

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augmentaient les embarras ; car on ne voulait point absolument les montrer, et ils n’étaient nullement disposés à se cacher.

Je me rappelle encore, avec une sorte de honte, ce qui se passait les jours où les grandes compagnies devaient venir. Tout était dès le matin en l’air dans la maison. Les instructions que ma mère distribuait commençaient par mon père : on ne pouvait le renvoyer comme les autres ; il fallait du moins tâcher de lui donner les manières convenables. C’était, comme je l’ai dit, un bon homme qui aurait eu naturellement le sens droit, si sa femme lui en avait laissé le pouvoir ; mais, à force de lui vanter l’excellence de vivre dans ce qu’elle appelait la bonne compagnie, il s’en était coiffé presque autant qu’elle. On lui avait sur-tout recommandé des airs aisés : il est difficile de ne pas confondre une liberté honnête avec la familiarité ; l’usage du monde apprend seul ces différentes délicatesses ; aussi mon père et ma mère s’y méprenaient-ils toujours.

Jamais de titres, jamais de monsieur, même en leur parlant : ils n’en venaient pas avec moins d’empressement dans la maison. La liberté d’y amener qui on voulait, et plus encore peut-être le plaisir de se moquer de nous, ne laissaient pas sentir à ces grands seigneurs et à ces grandes dames, qu’il y avait autant d’indécence à eux d’y venir, qu’à nous de sottise de les recevoir.

Ma mère ne pouvait se dispenser d’être coquette ; l’état de jolie femme et de femme du grand monde l’exige : la difficulté était d’avoir des amants de bon air.