Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/267

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pour donner à ses galanteries un air cavalier ; c’était comme s’il m’eût dit : Je vous conseille de m’aimer ; mais le ton devenait différent, quand le hasard lui fournissait l’occasion de me parler en particulier. L’amour, qui n’avait rien alors à démêler avec la vanité, se montrait tendre et devenait timide.

Toute jeune que j’étais, le contraste de cette conduite me paraissait parfaitement ridicule, et me donnait pour M. du Fresnoi des sentiments très différents de ceux qu’il voulait m’inspirer. Il ne fut pas longtemps sans avoir des rivaux : ma beauté et la qualité de grande héritière lui en donnaient de deux espèces : ceux qui voulaient m’épouser, et ceux qui croyaient leur honneur intéressé à attaquer toutes les jolies femmes. Je ne sais auquel de ces deux motifs je dus l’amour du marquis de Crevant ; il était assez aimable, sans être cependant exempt des airs et des défauts des gens de son âge.

J’allais tout conter à mon Eugénie : elle riait de mes dégoûts et de mes surprises. Gardez-vous comme vous êtes, me disait-elle, le plus longtemps que vous pourrez. Votre père vous aime ; profitez de cette tendresse pour choisir un mari qui vous rende heureuse. Votre raison et votre cœur ne parlent encore pour personne. Je voudrais bien que le cœur se tût toujours ; mais je crains qu’il ne se mêle un jour de vos affaires plus qu’il ne faudrait. Vous avez un fonds de sensibilité qui m’alarme pour le repos de votre vie. Vous êtes perdue, mon enfant, si vous trouvez quelqu’un qui sache aimer et vous persuader qu’il vous aime.

Hélas ! je touchais au moment où cette prédiction