Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/273

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sortît. Ma mère, qui ne voyait là personne de sa connaissance, ne fit pas façon de l’appeler. Il vint à nous d’un air embarrassé. Elle lui fit des reproches de ce qu’il nous avait négligées : il répondit qu’il s’était présenté plusieurs fois à notre porte. Quand on veut me trouver, dit ma mère, il faut venir dîner ou souper avec moi, aujourd’hui, par exemple. Je suis désespéré, répondit Barbasan ; j’ai un engagement indispensable. Demain donc, dit ma mère. Je ne suis pas plus libre demain, répliqua-t-il.

Piquée de tant de refus, je ne pus me tenir de dire, d’un ton qui se ressentait de ce qui se passait en moi : Ma mère, pourquoi le contraindre ? Monsieur a mieux à faire. Je vois encore la façon dont il me regarda alors : ses yeux tendres et timides me disaient : Vous êtes bien injuste !

Les tableaux parcourus, que nous ne regardions ni l’un ni l’autre, nous sortîmes. À peine fûmes-nous de retour au logis, que Barbasan y arriva. Il dit qu’il avait trouvé le moyen de se dégager ; que, si nous voulions de lui, il passerait la journée avec nous.

Le voilà établi dans la maison, et moi d’une gaieté qui ne m’était pas ordinaire. Tout prit une nouvelle face à mes yeux : ceux-mêmes qui ne me donnaient auparavant que de l’ennui, me faisaient naître des idées plaisantes. Je crois que Barbasan était dans la même situation. Nous étions pleins, l’un et l’autre, de cette douce joie que l’on ressent quand on commence d’aimer, et que l’on paie ensuite si chèrement.

La journée se passa comme un moment, et il en fut de même de plusieurs qui lui succédèrent ; car