Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/272

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

piquée, et n’eus garde de m’avouer la cause de mon dépit ; je le mis sur le compte de l’impolitesse que je trouvais à ne pas venir remercier ma mère : il me parut que c’était la traiter trop cavalièrement.

Nous sortîmes encore plusieurs jours de suite, et Barbasan se trouva enfin au nombre de ceux qui étaient venus à notre porte : il était visible qu’il n’avait voulu que se faire écrire. Je crus qu’il ne nous trouvait pas assez bonne compagnie pour lui : cette pensée me revint plusieurs fois pendant la nuit : il ne me parut plus si aimable ; mais je pensais trop souvent qu’il ne l’était pas. Ce dépit me rendit presque coquette. Je voulais plaire. Mon amour-propre, ébranlé par l’indifférence de Barbasan, avait besoin d’être rassuré.

Les spectacles, les promenades me servaient à merveille ; j’y faisais toujours quelque recrue d’amants. Une espérance secrète d’y trouver mon fugitif, de me montrer à lui environnée d’une foule d’adorateurs, était pourtant ce qui me soutenait. Je le cherchais des yeux dans tous les endroits où j’étais : dès que je m’étais convaincue qu’il n’y était point, mon désir de plaire s’éteignait ; les amants dont je n’avais plus d’usage à faire, me devenaient insupportables.

Le hasard me servit enfin mieux que mes recherches. Nous sortîmes un matin pour aller chez un peintre qui avait des tableaux d’une beauté singulière. Barbasan y était. Quoiqu’il y eût assez de monde, je l’eus bientôt aperçu ; et, en vérité, je crois que je ne vis que lui. Le cœur me battit ; j’avais peur qu’il ne