Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/281

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porté dans mon cœur une triste lumière. Ma tendresse pour Barbasan ne me présageait que des peines ; je trouvais cependant une douceur infinie à m’y abandonner ; j’imaginais même du plaisir à souffrir pour ce que j’aimais.

J’étais à peine rentrée dans la maison, que madame la duchesse de N… vint présenter son fils dans les formes. J’avais tant pleuré, que mes yeux étaient encore rouges. La duchesse en prit occasion de me dire mille fadeurs sur le bon naturel qui me faisait craindre de quitter mes parents. Savez-vous bien, dit-elle à ma mère, qu’il y a plus de mérite que vous ne pensez, d’aimer tant une mère aussi jeune et aussi jolie que vous ? Et m’adressant la parole : Ne donnez pas toute cette tendresse à cette maman ; je veux en avoir ma part. En vérité, poursuivit-elle, je sens que je l’aime de tout mon cœur. Elle parlait ensuite des ajustements qui me conviendraient, et toujours par-ci par-là quelques mots de la cour.

J’écoutais tous ces discours avec le plus grand dégoût. Peut-être que malgré mes dispositions l’amour-propre qui ne perd jamais ses droits se faisait sentir, et que l’air distrait et presque ennuyé du fils y avait autant de part que les propos de sa mère. Je l’avais observé regardant tantôt sa montre, tantôt la pendule : l’heure du spectacle approchait ; quelle apparence que ma vue tînt bon contre la nécessité d’y aller étaler un habit de goût qu’il avait mis ce jour-là !

La duchesse, pour prévenir quelque impatience trop marquée de son fils, finit sa visite. Je vais travailler, dit-elle en nous quittant, à la duché ; je