Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/280

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Je le crois, dit Eugénie ; mais, mon enfant, ce n’est point un mari pour vous. Eh bien ! répliquai-je avec vivacité, je me mettrai dans un couvent. C’est ce que vous pouvez encore moins que tout le reste, répondit-elle. Voulez-vous faire l’héroïne de roman, et vous enfermer dans un cloître, parce qu’on ne vous donne pas l’amant que vous voulez ? Croyez-moi, votre douleur ne sera pas éternelle : il vous sera aisé d’oublier Barbasan ; il ne faut pour cela que le bien vouloir ; mais, dans un couvent, il ne suffit pas de vouloir être contente pour l’être. Gardez-vous de laisser apercevoir au marquis de N… un dégoût qu’il ne vous pardonnerait jamais : il faut être bienséante ; mais il ne faut pas être dédaigneuse.

Les discours d’Eugénie m’affligeaient et ne me persuadaient point. Je le lui reprochai en pleurant. Loin de s’offenser de mes plaintes, elle y répondit avec tant d’amitié, elle me parla d’une manière si touchante et si raisonnable, qu’elle me réduisit à lui promettre ce qu’elle voulut. Je devais fuir Barbasan, lui ôter toutes les occasions de me parler ; et, si malgré mes soins il y parvenait, je devais le prier de ne plus venir chez mon père.

Cet article fut longtemps contesté ; je disais que je n’en avais pas le droit. Ne vous faites pas cette illusion, me répondit-elle ; si Barbasan est tel que vous me le représentez, il vous obéira ; s’il est différent, il ne vaut pas le chagrin qu’il vous donne. Elle me fit promettre que je la viendrais voir, et que je ne lui cacherais rien.

Je la quittai avec une douleur de plus : elle avait