Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/283

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j’entendis m’obligea de les lever, et me fit voir Barbasan à quelques pas de moi, appuyé sur le dos d’une chaise, dans une contenance si triste, le visage si changé, qu’il m’aurait fait pitié quand je n’aurais eu que de l’indifférence pour lui.

Nous demeurâmes quelques moments sans parler : je fis un mouvement pour entrer dans une chambre à côté, où travaillait la femme qui me servait. De grâce, un moment ! me dit-il d’un air interdit. S’il n’y allait que de ma vie, je ne m’exposerais pas à vous déplaire ; mais il s’agit du bonheur ou du malheur de la Vôtre : le marquis de N…, que vous devez épouser, est sans caractère, sans mœurs, et affecte même les vices qu’il n’a pas : loin de connaître et de sentir sa félicité, il est assez vain, assez présomptueux pour vous croire trop honorée de porter son nom ; la fortune que vous lui apporterez ne servira qu’à accroître ses ridicules ; il oubliera qu’il vous la doit, que vous en devez jouir ; il en fera à vos yeux l’usage le plus méprisable.

Suis-je la maîtresse, lui dis-je en essuyant quelques larmes qui s’échappaient de mes yeux ? Je ne prévois que trop les malheurs qui m’attendent. Et vous vous y soumettez, s’écria Barbasan ! Vous ne ferez point d’efforts auprès d’un père qui vous aime ! Soyez heureuse par pitié pour moi ; soyez heureuse pour m’empêcher de mourir désespéré. Hélas ! lui dis-je, emportée par mon sentiment, je ne le serai jamais. Ah ! vous le seriez, s’écria Barbasan en se précipitant à mes genoux, si la fortune ne m’avait pas traité si cruellement. Oui, un amour tel que le mien vous aurait trouvée