Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/284

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sensible ; je n’aurais connu d’autre gloire, d’autre falicité que celle de vous adorer.

Je ne sais ce que j’allais répondre quand j’aperçus le marquis de N… à deux pas de nous, qui regagnait la porte. Il avait vu Barbasan à mes genoux ; il pouvait même avoir entendu ce qu’il m’avait dit. J’en fus troublée au dernier point : Que penserait-il de moi ? Et ce qui me touchait mille fois plus, qu’en penserait-on dans le monde ? Je reprochai à Barbasan son indiscrétion, les chagrins qu’il m’allait attirer, et je finis par fondre en larmes.

Il était si affligé lui-même de la peine qu’il me causait, qu’il n’eut besoin pour sa justification que de sa douleur. Je lui avais dit d’abord avec vivacité de sortir de ma chambre ; quoique je continuasse de le lui dire, ce n’était plus du même ton. Le cœur fournit toutes les erreurs dont nous avons besoin.

Cette aventure, qui aurait dû lui nuire auprès de moi, produisit un effet tout contraire. Je trouvais que nous avions une affaire commune : je vins à raisonner avec lui des suites qu’elle pourrait avoir, de la conduite que je devais tenir. Je me flattais que mon mariage serait rompu. Je n’ose l’espérer, me disait-il : le marquis de N… n’a ni assez d’amour ni assez d’honneur, pour avoir de la délicatesse.

Le peu d’amour du rival amenait naturellement des protestations de la vivacité du sien. Enfin, je ne sais comment tout cela s’arrangea dans ma tête, mais il me sembla que je pouvais l’écouter ; et, avant que de nous quitter, je lui promis de lui rendre compte du tour que prendrait cette affaire. Je voulais qu’il fût