Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/291

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serez sa générosité et son amour, en lui découvrant vos richesses : il vous en aimera davantage de lui avoir donné lieu, en les lui cachant, de s’être montré à vous par un si beau côté. Si, au contraire, celui que vous choisirez est d’une condition et d’un état médiocre, vous aurez le plaisir sensible, et qui peut-être est le plus grand de tous, de faire la fortune de ce que vous aimerez.

Mon père, en me parlant, me présentait toujours ce porte-feuille, ou plutôt ce trésor ; car c’en était véritablement un. Loin de le prendre, je me levai et m’écartai du lit. Il me semblait que l’accepter c’était me donner une certitude du malheur qui me menaçait, que c’était avancer ce fatal instant. Frappée de cette idée, je sortis de la chambre avec la même promptitude et le même saisissement que si un précipice se fût ouvert devant moi. La douleur me suffoqua ; j’allai me jeter sur un lit, où je donnai un libre cours à mes larmes. J’ai eu bien des malheurs : je ne sais cependant si j’ai eu des moments plus douloureux que celui-là.

Mon père, qui ne me vit plus, éveilla une garde qui était endormie, et m’envoya dire de revenir. Je ne pouvais m’y résoudre ; je demandai s’il se trouvait plus mal : Non, me dit la garde, mais il souhaite que vous lisiez.

Je n’étais nullement en état de lire ; mes yeux étaient remplis de larmes, et les sanglots me suffoquaient. On dit à mon père, pour me donner le temps de me remettre, que j’étais montée dans mon appartement : il ordonna qu’on vînt m’y chercher. Je remis