Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/292

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mon visage, et j’assurai ma contenance le mieux qu’il me fut possible. Ce porte-feuille, que mon père tenait toujours, m’obligeait à me tenir écartée du lit.

Approchez-vous, approchez-vous, me dit mon père ; ne vous obstinez plus, si vous ne voulez me fâcher et me rendre plus malade ; prenez ce que je vous donne. Non, mon père, lui dis-je, je ne m’y résoudrai jamais ; vous me percez le cœur de la plus vive douleur : vous voulez donc mourir ! Mon dieu ! que je suis misérable ! Eh bien, répondit mon père, prenez ceci comme un dépôt que je vous confie : mon intérêt et mon honneur exigent qu’il soit entre vos mains : vous me le remettrez si Dieu me rend la santé ; et, s’il dispose de moi, vous exécuterez ce qui est contenu dans un mémoire écrit de ma main. Prenez les mesures les plus sages pour que ceux à qui vous ferez remettre les sommes que je marque, ne puissent savoir de qui elles viennent ; ils verraient trop que ce sont des restitutions : je mériterais d’en avoir la honte ; mais elle ne serait plus pour moi ; vous l’auriez toute seule, vous qui ne la méritez pas. Allez tout-à-l’heure, ma chère Pauline, poursuivit-il en mettant le porte-feuille dans mon sein, et en me forçant absolument de le prendre ; enfermez ceci ; n’en parlez à personne, et laissez-moi reposer ; j’en ai besoin.

Il fallut obéir. Les dernières paroles de mon père avaient même diminué ma répugnance. Je voyais que les ordres qu’il me donnait ne pouvaient être confiés qu’à moi ; mais ma douleur n’en était pas soulagée ; je souffrais au contraire une espèce de peine. Plus j’aimais mon père, plus il me marquait de confiance