Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/293

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et de bonté, et plus il faisait pour moi, plus je m’affligeais qu’il eût des reproches à se faire.

Comme c’était à peu près le temps où je prenais quelques heures pour me reposer dans mon lit, je me couchai, non pour chercher du repos (j’en étais bien éloignée), mais pour pleurer en liberté.

Ma mère achevait encore de m’accabler ; je ne pouvais douter, par ce que je venais d’entendre, qu’elle ne fût l’unique cause de l’état où était mon père : cependant elle était ma mère ; je devais l’aimer et la respecter. Comment accorder ce devoir avec l’éloignement que je prenais, malgré moi, pour elle ? Je résolus du moins de me rendre maîtresse de mon extérieur, et de garder pour moi seule les connaissances que j’avais acquises. Barbasan lui-même ne fut pas excepté du silence que je m’imposai : il faut tout dire, un retour d’amour-propre ne me permettait pas de lui montrer quelqu’un à qui je tenais d’aussi près, par un côté si désavantageux.

Mon père parut mieux pendant plusieurs jours ; j’en avais une joie digne de ce qu’il avait fait pour moi : ce pauvre homme en était touché ; et, pour ne pas la troubler, paraissait prendre des espérances dont il était fort éloigné. J’étais souvent seule auprès de lui ; il en profitait pour me dire des choses tendres, et pour me donner des avis utiles : son sens droit, ses vertus naturelles agissaient alors sans obstacle. Vous trouverez des ingrats, me disait-il. Que vous importe ? la reconnaissance est l’affaire des autres ; la vôtre est de faire le bien que vous pouvez ; il le faudrait même pour le plaisir. Je n’ai de ma vie eu