Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/300

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

celui que je passais alors ! J’étais contente de ce que j’aimais ; et, ce qui me flattait encore plus, il l’était de moi.

Notre bonheur se soutint pendant quelques mois ; mais il était trop parfait pour pouvoir durer. La fortune commença à se déclarer contre moi par la grossesse de ma mère. J’allais tenir par-là à la famille de mon beau-père. Il ne convenait pas de me laisser maîtresse de ma destinée. Mon bien, tout médiocre qu’il était, excitait ses désirs ; il reviendrait aux enfants de ma mère, supposé que je pusse rester fille. Il fallait pour cela éloigner tous les mariages, et sur-tout celui de Barbasan.

Le commandeur de Piennes, qui avait pris beaucoup d’amitié pour moi, vint m’avertir qu’on me préparait des traverses. M. le duc de N…, me dit-il, sait vos liaisons avec Barbasan ; il s’en autorisera, pour exercer son pouvoir. Ne vous y trompez pas, ajouta-t-il ; il peut très bien obtenir un ordre qui vous séparerait de votre amant, peut-être pour jamais.

Ce discours, qui me glaçait de crainte, me fit voir tout possible. Je résolus, par le conseil du commandeur, que je ne verrais Barbasan que rarement. La difficulté fut de l’y déterminer : il se moquait de ma prudence ; c’était se donner, disait-il, le malheur qu’on me faisait appréhender ; il était, d’ailleurs, si indigné contre mon beau-père, que j’eus besoin de toute mon autorité, pour l’empêcher de faire quelque folie.

Il me dit, à quelque temps de là, que la nécessité de terminer une affaire qui lui importait l’obligerait de faire un petit voyage du côté de Chartres. La veille