Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/308

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rais vidé mon porte-feuille, mais j’aurais donné tout ce que j’avais au monde.

Barbasan ne savait encore rien des mesures que l’on prenait ; le fils du geôlier, qui lui portait à manger, se chargea de les lui apprendre. Ce n’était point assez d’assurer sa liberté : il fallait lui préparer des secours dans le lieu où il se retirerait. Nous nous étions déterminés pour Francfort ; un moindre éloignement n’eût pas suffi pour calmer mon imagination. Le commandeur de Piennes prit des lettres de change sur un fameux banquier de cette ville. Je les enfermai dans un paquet qui devait être rendu à Barbasan à son arrivée ; je voulais, s’il était possible, qu’il ignorât qu’elles vinssent de moi, et attendre pour le lui apprendre, un temps plus heureux.

Tous les arrangements étaient faits, et le jour marqué pour la fuite, qui devait s’exécuter sur le minuit. J’attendis toute la nuit, avec une impatience et un saisissement que je laisse à imaginer, le signal dont le commandeur et moi étions convenus : le jour vint sans que j’eusse rien appris. Le commandeur, chez qui j’avais envoyé plusieurs fois, vint enfin me dire que le fils du geôlier était absent depuis deux fois vingt-quatre heures, que son père voulait absolument l’attendre.

Voilà donc encore ma vie attachée au retour de ce fils. Il n’y avait pas un moment à perdre : le jugement devait être prononcé dans trois jours. Quoique le commandeur ne me dît que ce qu’il ne pouvait s’empêcher de me dire, je ne voyais que trop de quoi il était question : j’étais moi-même sur l’échafaud, et