Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/307

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certitude de la guérison de Barbasan. La mienne en dépendait. Mais, dès que je n’eus plus à craindre les suites de sa maladie, je repris toutes mes alarmes sur sa malheureuse affaire. La prison où je l’avais vu, augmentait encore ma sensibilité et mon attendrissement.

Le commandeur de Piennes y mit le comble par ce qu’il vint m’apprendre. La procédure était poussée avec une vivacité qui décelait un ennemi secret ; cet ennemi était mon indigne beau-père. On comprend, sans que je le dise, les raisons qu’il avait de haïr Barbasan. Je m’étonne encore comment je ne mourus pas sur-le-champ, quand le commandeur m’annonça cette affreuse nouvelle. Il n’y a d’autre ressource, me dit-il, que de gagner le geôlier et de faire sauver Barbasan.

L’argent en était le seul moyen : celui que mon père m’avait laissé pouvait-il être mieux employé ? Je remis au commandeur une somme très considérable ; et, quoiqu’il ne cessât de me répéter qu’il y en avait beaucoup plus qu’il ne fallait, je voulus à toute force y ajouter encore. Je croyais m’assurer mieux par-là de la liberté de Barbasan, et au milieu de mes douleurs je sentais une secrète satisfaction de ce que je faisais pour lui. J’attendais le succès de la négociation, comme l’arrêt de ma vie ou de ma mort.

Un petit billet du commandeur m’apprit que tout se disposait selon mes souhaits ; il vint me l’apprendre lui-même : le geôlier était gagné ; mais il exigeait que ses enfants aussi bien que lui suivissent le prisonnier, et qu’on leur assurât de quoi vivre dans les pays étrangers. Cet article était aisé : non-seulement j’au-