MÉMOIRES
DU
COMTE DE COMMINGE.
e n’ai d’autre dessein, en écrivant les mémoires de
ma vie, que de rappeler les plus petites circonstances
de mes malheurs, et de les graver encore, s’il est possible,
plus profondément dans mon souvenir.
La maison de Comminge, dont je sors, est une des plus illustres du royaume. Mon bisaïeul, qui avait deux garçons, donna au cadet des terres considérables, au préjudice de l’aîné, et lui fit prendre le nom de marquis de Lussan. L’amitié des deux frères n’en fut point altérée ; ils voulurent même que leurs enfants fussent élevés ensemble ; mais cette éducation commune, dont l’objet était de les unir, les rendit au contraire ennemis presque en naissant.
Mon père, qui était toujours surpassé dans ses exercices par le marquis de Lussan, en conçut une jalousie qui devint bientôt de la haine ; ils avaient souvent des disputes ; et, comme mon père était toujours l’agresseur, c’était lui qu’on punissait. Un jour qu’il s’en plaignait à l’intendant de notre maison : Je vous donnerai, lui dit cet homme, les moyens d’abaisser l’orgueil de M. de