Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/313

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que je m’informai à elle de Barbasan. J’avais forcé les postes pour le voir dès ce soir-là. Vraiment, me dit-elle ! je viens de le rencontrer qui rentrait chez lui avec madame ; et tout de suite : C’est celui-là qui est un bon mari !

Suivant l’usage de ces sortes de gens, elle me conta, sans que je le lui demandasse, tout ce que l’on disait des aventures de Barbasan. Hélas ! j’étais bien éloignée de pouvoir lui faire des questions ; les noms de mari et de femme m’avaient frappée comme un coup de foudre, dès qu’elle les eut prononcés. Mon tuteur et ma femme de chambre, plus tranquilles que moi, prirent ce triste soin. Elle leur dit que M. Barbasan avait fait connaissance avec sa femme dans le temps qu’il était prisonnier ; qu’elle avait exposé la vie de son père, qui était le geôlier, celle d’un frère et la sienne propre pour le sauver ; que, pour payer tant d’obligations, M. de Barbasan l’avait épousée, et qu’elle était grosse.

J’étais pendant ce terrible récit, dans un état plus aisé à imaginer qu’à décrire. Fanchon, qui voyait, par les changements de mon visage, ce qui se passait en moi, congédia notre hôtesse ; et pour me donner plus de liberté, renvoya aussi mon tuteur.

Il ne m’aime donc plus, disais-je en répandant un torrent de larmes ! que lui ai-je fait pour n’être plus aimée ? J’expose ma réputation, j’abandonne ma patrie, et tout cela pour un ingrat ! Mais, Fanchon, crois-tu qu’il le soit ? crois-tu que je sois effacée de son souvenir ? Voilà donc pourquoi je ne recevais plus de ses lettres ! Hélas ! je le croyais jaloux. Ce sentiment n’est plus pour moi.