Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/314

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Toute la nuit se passa dans de pareils discours : je voulais le voir, lui reprocher son ingratitude, l’attendrir par mes larmes, et l’abandonner pour jamais. Il me passait aussi dans la tête de lui faire remettre le bien que j’avais apporté. Je voulais, à quelque prix que ce fût, me faire regretter. C’était la seule vengeance dont j’étais capable contre mon ingrat. Mon tuteur, qui n’entendait rien à toutes ses délicatesses, s’opposa à ce projet et me conserva, malgré moi, ce qui me restait du porte-feuille de mon père.

Il n’y avait pas à hésiter sur le parti que j’avais à prendre. Je pouvais, en me montrant promptement à Paris, dérober la connaissance de la folle démarche que j’avais faite. Mon tuteur, qui s’était repenti plus d’une fois de sa complaisance, me représentait la nécessité de ce prompt retour : je la sentais comme lui ; mais il fallait m’éloigner pour jamais de Barbasan, de ce Barbasan que j’avais tant aimé, qu’au mépris de toutes sortes de bienséances j’étais venu chercher si loin. Comment partir sans le voir, ne fût-ce même que de loin ? Comment résister à la curiosité de voir ma rivale, et renoncer à l’espérance de ne la pas trouver telle qu’on me l’avait dépeinte ?

Mon hôtesse, sans s’informer des motifs de ma curiosité, me mena à une église où tout le beau monde allait à la messe. Je me plaçai de manière que je pouvais voir ceux qui entraient.

Me voilà dans mon poste, avec une palpitation qui ne me quitta point et qui augmentait toutes les fois que j’entendais arriver quelqu’un. Celle qui me causait tant de trouble parut enfin : je ne la trouvai que trop propre