Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/317

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Je sentais une peine extrême à lui faire perdre l’estime d’Eugénie, à le lui montrer si différent de ce qu’elle l’avait vu jusque-là. Malgré mes répugnances, il fallut tout avouer. Quelle fut la surprise et l’indignation de mon amie ! quel mépris pour Barbasan ! quelle pitié, mêlée de colère, de me trouver encore de la sensibilité pour un ingrat, pour un scélérat, pour le dernier des hommes !

Ménagez ma faiblesse, lui disais-je, puisque vous la connaissez : épargnez un malheureux : hélas ! peut-être a-t-il fait autant d’efforts pour m’être fidèle, que j’en fais pour cesser de l’aimer. Plus vous cherchez à diminuer son crime, répondait Eugénie, plus vous me le rendez odieux. Le dépit devrait vous guérir ; la raison le devrait encore mieux ; mais le dépit est un nouveau mal, et la raison est bien tardive. Je voudrais que vous cherchassiez de la dissipation ; je voudrais que votre amour-propre trouvât des dédommagements : vous ne le croyez pas, ajouta-t-elle ; mais comptez sur ma parole, qu’il fait une partie de votre douleur. J’étais effectivement bien éloignée de le penser : la terre entière à mes genoux ne m’aurait pas dédommagée du cœur que j’avais perdu.

Ces dissipations, qu’on me conseillait et que je n’aurais jamais cherchées, vinrent me trouver malgré moi. Mon beau-père, que sa prodigalité mettait dans un besoin continuel d’argent, et qui n’était arrêté par aucun scrupule sur les moyens d’en acquérir, ne voulut point s’en tenir à l’accommodement que nous avions fait ; il fallut entrer en procès. Le sentiment dont j’étais animée contre lui (car je le regardais, avec