Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/316

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Ma réputation exposée, la trahison dont on payait ma tendresse, ce mariage qui mettait une barrière insurmontable entre nous, ne faisaient presque plus d’impression sur moi. Tout était couvert par cette douleur déchirante que je n’étais plus aimée. Je voulais du moins avoir la triste consolation de répandre des larmes devant lui.

Mon tuteur fut chargé de l’aller chercher, de ne rien oublier pour l’amener, de ne pas craindre d’employer les prières les plus capables de l’y engager. Il ne le trouva point chez lui : il y retourna plusieurs fois ; il apprit enfin qu’il était monté à cheval au sortir de l’église, et qu’on ne savait quelle route il avait prise.

Dès que nous sommes malheureux, tous ceux qui nous environnent prennent de l’empire sur nous. Mon tuteur, ma femme-de-chambre même se croyaient en droit de me parler avec autorité. Sans m’écouter, sans égard aux prières que je leur faisais d’attendre encore quelques jours, ils m’obligèrent à partir sur-le-champ ; et, pour rendre mon absence aussi courte qu’il était possible, on me fit faire la plus grande diligence.

Me voilà revenue à Paris et dans les bras de ma chère Eugénie. Ce prompt retour, la douleur où elle me vit plongée, mes larmes et mes sanglots, lui firent juger que Barbasan était mort. Les consolations qu’elle cherchait à me donner m’apprirent ce qu’elle pensait : je n’avais pas la force de la désabuser ; j’avais honte pour Barbasan et pour moi de dire qu’il m’avait trahie, abandonnée ; mon cœur répugnait aussi à parler contre lui.