Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/320

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Après quelques mois, elle et le commandeur de Piennes me parlèrent plus clairement. Mes affaires étaient toutes terminées à mon avantage, et je devais aux soins du président d’Hacqueville la justice qu’on m’avait rendue, et la tranquillité dont j’aurais pu jouir, si mon cœur avait été autrement fait. Il n’y avait plus moyen de recevoir assidûement des visites dont les prétextes avaient cessé. J’étais embarrassée de le dire à M. le président d’Hacqueville ; je voulais qu’Eugénie et le commandeur en prissent la commission. Il nous en a donné une bien différente, répondit le commandeur ; il veut vous épouser ; et, pour vous laisser la liberté de répondre sans aucune contrainte, il nous a priés de vous en faire la proposition ; et, tout de suite, ils me dirent l’un et l’autre que j’étais trop jeune et d’une figure qui m’exposait à trop de périls pour rester fille : mon beau-père, encore aigri par le mauvais succès de son procès, pouvait m’attirer quelques nouvelles persécutions : mon aventure n’était pas entièrement ignorée, et me faisait une espèce de nécessité de changer d’état.

Eugénie ajouta, quand je fus seule avec elle, que je devais me craindre moi-même ; la tendresse que je conservais pour le comte de Barbasan la faisait trembler. S’il revenait, me disait-elle, vous n’attendriez pas même, pour lui pardonner, qu’il vous demandât pardon. Eh bien ! lui dis-je, je prendrai le voile. Vous voulez donc, répondit-elle, parce que Barbasan est le plus indigne de tous les hommes, vous enterrer toute vive. Croyez-moi, ma chère fille, ces sortes de douleurs passent et laissent place à un ennui peut-être