Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/324

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pations ordinaires à cet âge. Mademoiselle de Magnelais, contente d’une certaine supériorité que son rang et ses richesses lui donnaient sur sa compagne, paraissait avoir de l’amitié pour elle. La jalousie de la beauté, si propre à mettre de l’éloignement entre deux jeunes personnes, ne troublait point leur union. Les traits de mademoiselle d’Essei, qui n’étaient point encore formés, laissaient douter si elle serait belle un jour.

Mademoiselle d’Essei, sensible et reconnaissante, répondait par l’attachement le plus véritable aux marques d’amitié qu’elle recevait. Elle sentit vivement la peine de se séparer de son amie, lorsque mademoiselle de Magnelais fut retirée du couvent pour retourner dans sa famille.

Deux années après leur séparation, madame la duchesse d’Hallwin et mademoiselle de Magnelais, sa fille, qui revenaient des Pays-Bas, s’arrêtèrent quelques jours à une terre près du Paraclet. Le voisinage rappela à mademoiselle de Magnelais le souvenir de son amie ; elle voulut la voir.

Sa beauté avait acquis alors toute sa perfection. Mademoiselle de Magnelais en fut étonnée, et la trouva trop belle pour l’aimer encore. Il ne parut cependant aucun changement dans ses manières : elle lui rendit compte de ce qui lui était arrivé depuis leur séparation, bien moins par un sentiment de confiance, que par le plaisir malin d’étaler aux yeux de mademoiselle d’Essei un bonheur qu’elle ne devait jamais goûter.

L’article des amants ne fut pas oublié : c’était, en quelque façon, un dédommagement pour la vanité de mademoiselle de Magnelais, qui la consolait de la