Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/325

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beauté de mademoiselle d’Essei. Entre tous ceux qu’elle lui nomma, le chevalier de Benauges fut celui dont elle parla avec le plus d’éloges ; elle le lui peignit comme l’homme du monde le plus aimable et le plus amoureux : elle ne dissimula point qu’elle avait beaucoup d’inclination pour lui ; mais, ajouta-t-elle, j’ai tort de vous parler de ces choses-là ; l’état où vous êtes destinée vous les laissera ignorer, et je vous plains presque d’être belle.

Elles eurent encore plusieurs conversations de cette espèce ; et, après quelques jours, mademoiselle de Magnelais prit, avec sa famille, la route de Paris, et mademoiselle d’Essei resta tristement dans sa retraite.

Deux années s’écoulèrent encore, et amenèrent le temps où elle devait s’engager. Sa répugnance augmentait à mesure qu’elle voyait ce moment de plus près : enfin, honteuse de se trouver si faible, elle résolut de faire un effort sur elle-même. Elle en parla. à madame l’abbesse du Paraclet, dont elle a toujours été très sincèrement aimée. La tendresse que j’ai pour vous, répondit madame l’abbesse, me ferait trouver un plaisir bien sensible de vous attacher à moi pour toujours ; mais, ma chère fille, cette même tendresse m’engage à consulter vos intérêts plutôt que les miens : vous n’êtes point faite pour le cloître ; votre inclination y répugne.

Je l’avoue, disait en pleurant mademoiselle d’Essei ; mais, madame, j’ai de la raison, et je n’ai pas le choix des partis. Ces chaînes-ci sont bien pesantes, répondit madame du Paraclet, quand la raison seule est chargée de les porter. Attendez encore quelques