Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/337

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amant ? voudrais-je en être aimée, moi qui viens presque de prendre des engagements avec un autre ? quel que soit le marquis de la Valette, je ne dois jamais le voir, et je me trouve coupable d’avoir besoin d’en prendre la résolution.

Cependant il semblait que l’absence eût encore augmenté l’amour du comte de Blanchefort. Madame de Polignac, engagée par ses prières, et par le désir qu’elle avait de voir cette aimable fille établie, se détermina à l’aller chercher. Il fut convenu qu’elle l’amènerait dans une de ses terres ; que le comte viendrait les y joindre ; que le mariage se ferait sans beaucoup de cérémonie, et qu’il resterait secret pendant quelque temps.

Ce projet fut exécuté. Mademoiselle d’Essei ne quitta point sa retraite sans répandre des larmes. Je ne puis, lui dit madame de Polignac, vous pardonner votre tristesse : il faut, pour vous faire sentir votre bonheur, que je vous conte le malheur de mademoiselle de Magnelais. La Valette, après l’avoir aimée depuis longtemps, l’a abandonnée dans le moment que tout était préparé pour leur mariage. Elle l’aime encore, elle est affligée ; sa douleur, qu’elle ne cache point, intéresse pour elle ; et, pour achever de se rendre odieux, la Valette s’est battu pour une femme avec Bellomont, qui lui avait sauvé la vie au siège d’Amiens. Quoiqu’il soit très-blessé, et même en grand danger, le duc d’Épernon ne veut point le voir, et menace de le déshériter. On rappelle encore, à cette occasion, son aventure avec mademoiselle de Luxembourg, qui a été depuis duchesse de Ventadour : il ne voulut point l’épouser,