Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/344

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la plus grande sensibilité : il voulut, par des espérances et par des offres les plus considérables, calmer son désespoir.

Qu’osez-vous me proposer, lui dit-elle avec indignation ? que pouvez-vous m’offrir qui soit digne de moi ? vous même ne m’en avez paru digne que parce que je vous ai cru vertueux. Mais, reprit-elle en le regardant avec des yeux que ses pleurs rendaient encore plus touchants, pourrez-vous cesser de l’être ? vous êtes-vous bien peint la peine qu’il y a d’être mécontent de soi ? vous êtes-vous bien endurci contre les reproches de votre propre conscience ? avez-vous pensé à cette idée si flatteuse que j’avais de vous, à celle que j’en dois avoir ?

Je sais, reprit-il, l'horreur que vous aurez pour moi ; j’en sens tout le poids, puisque, malgré mon injustice, ma passion est encore aussi forte ; mais telle qu’elle est, je ne puis me résoudre à faire ce que vous desirez.

Et moi, lui dit-elle, je ne puis plus soutenir la vue d’un homme qui m’a si cruellement trompée. Jouissez, si vous le pouvez, de cette réputation de vertu que vous méritez si peu, tandis qu’avec une ame véritablement vertueuse j’aurai toute la honte et l’humiliation attachées au crime. Elle entra, en achevant ces paroles, dans un cabinet dont elle ferma la porte. M. de Blanchefort sortit aussitôt, monta à cheval et prit le chemin de Paris.

Madame du Paraclet, surprise de ce prompt départ, et ne voyant point mademoiselle d’Essei, alla la chercher. L’état où elle la trouva ne lui apprit que trop son malheur. Elle était baignée de ses larmes, et