Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/343

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mais vous y avez mis vous-même un obstacle insurmontable. Je me rappelle sans cesse ce que vous m’avez dit sur la manière dont mon mariage serait regardé dans le monde. Je vous l’avoue, je suis flatté de l’approbation que le public m’a accordée jusqu’ici ; je ne veux point m’exposer à en être blâmé.

Vous craignez, dit-elle, d’être exposé à quelque blâme, et vous ne craignez pas de manquer aux engagements les plus sacrés ? Voyez-moi à vos pieds, poursuivit-elle ; voyez cette femme que vous aimiez. C’est moi qui vous demande, le cœur pénétré de douleur, la grâce que vous me demandiez quand vous étiez aux miens. Ce n’est point de ma faiblesse que vous m’avez obtenue, c’est au plus honnête homme de toute la France que j’ai cru me donner. Pourriez-vous vous résoudre à perdre ce titre auprès de moi ? pourriez-vous jouir d’une réputation que vous ne mériteriez plus ? Hélas ! je n’ose vous parler de l’état où vous allez me réduire ; je sens que je ne vous touche plus : mais cette créature, qui est votre sang aussi-bien que le mien, ne mérite-t-elle rien de vous ? la laisserez-vous naître dans l’opprobre ? Condamnez-moi à vivre dans quelque coin du monde, ignorée de toute la terre : mais ne m’ôtez pas la consolation de pouvoir vous estimer ; assurez l’état de mon enfant ; et, de quelque façon que vous traitiez sa malheureuse mère, elle ne vous fera point de reproches.

Le comte de Blanchefort ne put voir à ses pieds, sans en être attendri, cette femme qu’il avait tant aimée, qu’il aimait encore, abymée de douleur et baignée de ses larmes. Il la releva avec toutes les marques de