Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/346

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Mademoiselle d’Essei pleurait, et ne répondait point ; enfin, à force de prières, de tendresses, mêlées de l’espérance que madame du Paraclet tâchait de lui donner du repentir du comte de Blanchefort, elle se calma un peu. Je paierais son repentir de ma propre vie, disait-elle, et voyez l’affreuse situation où je suis ; ce que je souhaite avec tant d’ardeur me rendrait à un homme pour qui je ne puis avoir que du mépris.

Les journées et les nuits se passaient presque entières dans de pareilles conversations. La pitié que madame du Paraclet avait pour mademoiselle d’Essei l’attachait encore plus fortement à cette malheureuse fille.

J’étais bien destinée, disait-elle, à trouver de la mauvaise foi et de la perfidie : le marquis de la Valette aurait dû m’inspirer de la méfiance pour tous les hommes. Elle conta alors à madame du Paraclet l’amour qu’il avait feint pour elle, dans le temps qu’il était engagé avec mademoiselle de Magnelais.

Après quelques jours, elle écrivit au comte de Blanchefort, de la manière la plus propre à l’attendrir et à le toucher. Madame du Paraclet lui écrivit aussi, et lui faisait tout craindre pour la vie de mademoiselle d’Essei. Elle envoya à Paris un homme à elle, pour rendre leurs lettres en mains propres.

On juge avec quel trouble et quelle impatience mademoiselle d’Essei en attendait la réponse. Elle était seule dans sa chambre, occupée de son malheur, quand on vint lui dire qu’un homme qui lui apportait une lettre demandait à lui parler. Elle s’avança avec précipitation au-devant de celui qu’on lui annonçait, et, sans s’apercevoir qu’il la suivait, elle prit la lettre.