Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/347

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Quelle fut sa surprise, quand, après en avoir vu quelques lignes, elle reconnut qu’elle était du marquis de la Valette. Grand Dieu ! dit-elle en répandant quelques larmes, et en se laissant aller sur un siège, le marquis de la Valette voudrait donc encore me tromper ! Non, mademoiselle, lui dit, en se jetant à ses genoux, celui qui lui avait rendu la lettre, et en se faisant connaître pour le marquis de la Valette lui-même, je ne veux point vous tromper ; je vous adore, et je viens mettre à vos pieds une fortune dont je puis disposer présentement.

La surprise, le trouble, et plus encore un sentiment vif de son malheur, que cette aventure rendait plus sensible à mademoiselle d’Essei, ne lui laissaient ni la force de parler, ni la hardiesse de regarder le marquis de la Valette.

Vous ne daignez pas jeter un regard sur moi, lui dit-il : me suis-je trompé, quand j’ai cru vous voir attendrie en lisant ma lettre ? Vous me croyiez coupable. Vous avez pensé, comme le public, de mon procédé avec mademoiselle de Magnelais ; j’ai souffert, j’ai même vu avec indifférence les jugements qu’on a faits de moi ; mais je ne puis conserver cette indifférence avec vous ; il me faut votre estime ; celle que j’ai pour vous la rend aussi nécessaire à mon bonheur que votre tendresse même.

Tant de témoignages d’une estime dont mademoiselle d’Essei ne se croyait plus digne achevaient de l’accabler. Écoutez-moi, de grâce, poursuivit le marquis de la Valette ; c’est pour vous seule que je veux rompre le silence que je m’étais imposé ; mais il y va