Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/349

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bai dans le fossé, très-blessé, et j’aurais peut-être péri, sans le secours de Bellomont, qui me releva et ne me quitta point qu’il ne m’eût remis entre les mains de mes gens.

Ce service était considérable ; ma reconnaissance y fut proportionnée : dès ce même jour, je ne voulus plus que le chevalier eût d’autre tente et d’autres équipages que les miens. Sa naissance et sa fortune sont si fort au-dessous des miennes, qu’il pouvait sans honte recevoir mes bienfaits. Nous devînmes inséparables, et les éloges que je lui prodiguai lui attirèrent, de la part du roi et des principaux officiers, des distinctions flatteuses. Plus je faisais pour lui, plus je m’y attachais, et plus je croyais lui devoir.

Il voulut m’accompagner en Flandre, où le roi m’envoya pour négocier avec quelques seigneurs qui lui étaient attachés. Comme la négociation exigeait le plus grand secret, le roi m’ordonna de n’y paraître que sous un faux nom, et en simple voyageur. J’allai à Lille, où je devais trouver ceux avec qui j’avais à traiter. C’est-là où je vis mademoiselle de Magnelais et madame sa mère, qui étaient allées dans leurs terres.

Je ne parus chez elles que sous le nom du chevalier de Benauges, que j’avais pris, et j’y fus beaucoup mieux reçu par mademoiselle de Magnelais, que ne devait l’être un homme de la condition dont je paraissais. Je crus que je lui plaisais, et je fus flatté de ne devoir cet avantage qu’à mes seules qualités personnelles : je m’attachai d’abord bien plus à elle par amour-propre que par amour ; mais je vins insensi-