Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/350

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

blement à l’aimer, et j’aurais cru ne pouvoir aimer mieux, si ce que je sens pour vous ne m’avait fait connaître toute la sensibilité de mon cœur.

Comme mon déguisement était le secret du roi, je ne le dis point à mademoiselle de Magnelais ; je me faisais encore un plaisir de celui qu’elle aurait, quand je lui serais connu, de trouver dans le marquis de la Valette un amant plus digne d’elle que le chevalier de Benauges.

Mon séjour à Lille fut de trois mois : j’eus la satisfaction d’apprendre en partant que mademoiselle de Magnelais viendrait bientôt à Paris. Elle m’avait permis de mettre Bellomont dans notre confidence ; et, lorsqu’il naissait entre nous quelque petit différend, c’était toujours lui qui rétablissait la paix.

Quelques jours après mon retour, mademoiselle de Magnelais fut présentée à la reine : j’étais dans la chambre de cette princesse, et je jouis du trouble et de la joie de mademoiselle de Magnelais, quand elle m’eut reconnu. J’allai chez elle ; et, quoique j’eusse à essuyer quelques reproches du mystère que je lui avais fait, elle était si contente de trouver que le chevalier de Benauges était le marquis de la Valette, que je n’eus pas de peine à obtenir mon pardon.

Je lui rendais tous les soins que la bienséance me permettait. La douceur de notre commerce était quelquefois troublée par ses jalousies : je ne voyais point de femme dont elle ne prît ombrage, et elle me réduisait presque au point de n’oser parler à aucune : j’étais quelquefois prêt à me révolter ; mais la persuasion que j’étais aimé me ramenait bien vite à la soumission.