Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/351

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Quand ma conduite ne donnait lieu à aucun reproche, j’en avais d’une autre espèce à essuyer. On se plaignait que je n’étais pas jaloux. Vous voulez bien me laisser penser, lui disais-je, mademoiselle, que j’ai le bonheur de vous plaire : puis-je être jaloux, sans vous offenser, et me le pardonneriez-vous ? Je ne sais si je vous le pardonnerais, me répondit-elle ; mais je sais bien que j’en serais plus sûre que vous m’aimez.

Ce sentiment me paraissait bizarre ; je m’en plaignais à Bellomont : il justifiait mademoiselle de Magnelais, et m’obligeait à lui rendre grâces d’une délicatesse que je n’entendais point. Cependant mon attachement pour elle fit du bruit ; le duc d’Épernon, qui souhaitait de me marier, m’en parla, et ne trouva en moi nulle résistance. Le mariage fut bientôt arrêté entre M. le duc d’Hallwin et lui ; mais quelques raisons particulières les obligèrent à le différer.

Cependant, comme les paroles étaient données, j’eus beaucoup plus de liberté de voir mademoiselle de Magnelais : je passais les journées chez elle, et j’avais lieu d’être content de la façon dont elle vivait avec moi. Un jour que j’étais entré dans son appartement pour l’attendre, j’entendis qu’elle montait l’escalier avec quelqu’un que je crus être un homme. Le plaisir de faire une plaisanterie sur le défaut de jalousie qu’elle me reprochait si souvent, me fit naître l’envie de me cacher. Je me coulai dans la ruelle du lit, qui était disposé de manière que je ne pouvais être aperçu.

Vous avez tort, disait mademoiselle de Magnelais à l’homme qui était avec elle, que je ne pouvais voir ;