Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/353

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J’allai m’enfermer chez moi pour réfléchir sur le parti que j’avais à prendre : je pouvais perdre d’honneur mademoiselle de Magnelais ; mais n’était-ce pas la punir d’une manière trop cruelle, d’une légèreté dont il ne m’était arrivé aucun mal ? et pouvais-je employer contre elle des armes qu’elle n’aurait pu en pareil cas employer contre moi ? Pour Bellomont, il me trahissait, mais il m’avait sauvé la vie : il m’était plus aisé de pardonner l’injure, que de manquer à la reconnaissance.

Pour ne pas priver le chevalier d’une protection aussi nécessaire pour lui que celle de M. d’Épernon, je me déterminai à lui cacher ce que le hasard m’avait fait découvrir. À l’égard de mon mariage, j’avais le temps pour moi. Il ne me restait qu’à prendre des mesures pour éviter de voir mademoiselle de Magnelais : elle m’était devenue, dès ce moment-là, si indifférente, que je n’avais pas même besoin de lui faire des reproches. Je projetais un voyage à la campagne, quand j’appris que mademoiselle de Magnelais y était allée elle-même.

J’eus l’honneur, mademoiselle, de vous voir à-peu-près dans ce temps-là, et dès ce moment je n’imaginai plus qu’on pût me proposer mademoiselle de Magnelais. Cette jalousie, qu’elle m’avait demandée, et que je ne connaissais point, je la connus alors : tout ce qui vous environnait me faisait ombrage ; tout me paraissait plus capable que moi de vous plaire, et aucun ne me semblait digne de vous.

Je craignis cependant le comte de Blanchefort un peu plus que les autres : moi, qui jusque-là n’avais