Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/354

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

fait aucun cas des louanges de la multitude, je me sentis affligé de celles que cette multitude donnait à mon rival. Il pouvait aussi vous offrir sa main, et moi je ne pouvais, pendant la vie du duc d’Épernon, vous proposer qu’un mariage secret, à quoi mon respect ne pouvait consentir ; ce fut ce qui me retint le jour que j’osai vous parler du comte de Blanchefort. Quelle joie, mademoiselle, répandîtes-vous dans mon cœur ! je crus voir que vous étiez touchée de l’excès de ma passion.

Cependant le voyage de mademoiselle de Magnelais qui me laissait respirer, n’avait été entrepris que pour me jeter dans de nouvelles peines. Elle avait déterminé le duc d’Hallwin à ne plus différer notre mariage, et, à leur retour, le duc d’Épernon et lui en marquèrent le jour.

Mon refus m’attira la disgrâce de mon père. Je ne lui en donnai point de raisons : celles que la conduite de mademoiselle de Magnelais me fournissait n’auraient point été crues, et d’ailleurs, depuis que je vous avais vue, mademoiselle, je sentais que ce n’était pas le plus grand obstacle à notre mariage ; mais je crus aussi qu’il fallait, sur-tout dans les premiers moments, lui cacher mon attachement pour vous.

Je ne pus cependant me refuser le plaisir de vous voir le lendemain. J’étais plein de la joie de me voir libre : je voulais vous la montrer ; je me flattais que vous en démêleriez le motif ; mais cette joie ne dura guère ; vos regards et le ton dont vous me parlâtes me glacèrent de crainte. Oserai-je cependant vous l’avouer ? Me pardonnerez-vous de l’avoir pensé ? Ce