Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/359

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Laissez-moi, marquis, lui dit-elle en retirant sa main ; votre amour et votre douleur achèvent de me faire mourir. Que je vous laisse, mademoiselle ! s’écria-t-il ; vous le voulez en vain : il faut que je meure à vos pieds, du désespoir de n’avoir pu vous toucher, et de vous trouver sensible pour un autre. Comment a-t-il touché votre cœur ? Quelle marque d’amour vous a-t-il donnée ? Par quel endroit a-t-il mérité de m’être préféré ? Je suis donc destiné à être trahi ou méprisé ! Hélas ! je venais mettre ma fortune à vos pieds, et c’est de mon rival que vous voulez tenir ce que mon amour voulait vous donner !

Les larmes et les sanglots de mademoiselle d’Essei l’empêchèrent long-temps de répondre ; enfin, prenant tout-d’un-coup son parti : Je vais vous montrer, lui dit-elle, que je suis encore plus malheureuse et plus à plaindre que vous. Le comte de Blanchefort est mon mari ; la raison, et peut-être encore plus le dépit dont j’étais animée contre vous, m’ont déterminée à lui donner la main ; et, dans le temps que son honneur et le mien demandent la déclaration de notre mariage, j’apprends qu’il est engagé avec une autre. Vous voyez, par l’aveu que je vous fais, que je suis, du moins, digne de votre pitié ; et j’ose encore vous dire, ajouta-t-elle en répandant de nouveau des larmes, que, si le fond de mon cœur vous était connu, je le serais de votre estime.

Oui, madame, répliqua le marquis de la Valette ; il ne m’est plus permis de vous parler de mon amour ; mais je vais, du moins, vous prouver mon estime, en vous vengeant de l’indigne comte de Blanchefort. Vous