Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/358

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un air de joie dont je fus étonné : réjouissez-vous, me dit-il, le comte de Blanchefort, ce rival si redoutable, vient de faire part au roi de son mariage avec la sœur du connétable.

Mademoiselle d’Essei avait écouté jusque-là le marquis de la Valette avec un saisissement de douleur, qu’elle avait eu peine à cacher ; mais elle n’en fut plus la maîtresse.

Quoi ! s’écria-t-elle en répandant un torrent de larmes, le comte de Blanchefort est marié ! Ces paroles furent les seules qu’elle put prononcer : elle tomba en faiblesse. Le marquis de la Valette n’était guère dans un état différent : la vue de mademoiselle d’Essei mourante, et mourante pour son rival, lui faisait sentir tout ce que l’amour et la jalousie peuvent faire éprouver de plus cruel. Il fut quelques moments immobile sur son siège ; enfin l’amour fut le plus fort ; il prit mademoiselle d’Essei entre ses bras pour tâcher de la faire revenir.

Dans le même temps qu’il appelait du secours, madame du Paraclet, étonnée de ne point voir mademoiselle d’Essei, venait la chercher : sa surprise fut extrême de la trouver évanouie dans les bras d’un homme qu’elle ne connaissait point ; mais le plus pressé était de la faire revenir. Son évanouissement fut très-long ; elle ouvrit enfin les yeux, et, les portant sur tout ce qui l’environnait, elle vit le marquis de la Valette à ses pieds, qui lui tenait une main qu’il mouillait de ses larmes. La crainte de la perdre avait étouffé la jalousie : il eût consenti dans ce moment au bonheur du comte de Blanchefort.