Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/362

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Ils demandèrent à madame l’abbesse des nouvelles de la jeune fille appelée mademoiselle d’Essei, qu’on avait remise entre ses mains il y avait douze ans. Elle est dans cette maison, répondit l’abbesse, et l’intention de ses parents a été remplie, elle est religieuse. Ah ! s’écria cet homme, il faut qu’elle quitte le cloître ; il faut qu’elle vienne consoler une mère de la perte d’un mari et d’un fils unique, et jouir du bien que la mort de son frère lui laisse, et qui la rend une des plus grandes et des plus riches héritières de France. Permettez, dit-il, à madame du Paraclet, que je puisse la voir et lui parler ; la qualité de son oncle m’en donne le droit.

On alla chercher la jeune novice ; et dès qu’elle parut, son oncle s’empressa de lui apprendre qu’elle était fille du duc de Joyeuse ; que l’envie de rendre son frère un plus grand seigneur avait engagé son père et sa mère à lui cacher sa naissance, et à la faire élever dans un cloître, où l’on voulait qu’elle se fît religieuse ; mais qu’il semblait que le ciel eût pris plaisir à confondre des projets aussi injustes ; que ce frère, à qui on l’avait sacrifiée, était mort ; que son père ne lui avait survécu que peu de jours. J’ai été témoin de son repentir, dit M. le Bailli de Joyeuse, et je suis dépositaire de ses dernières volontés. Venez, continua-t-il en s’adressant à sa nièce, prendre possession des grands biens dont vous êtes la seule héritière. Oubliez, s’il vous est possible, l’inhumanité qu’on a exercée envers vous, et à laquelle je me serais opposé de toute ma force, si j’en avais eu le moindre soupçon.

Ce que vous m’apprenez, monsieur, dit mademoi-