Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/365

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

selle de Joyeuse ; et, n’ayant pu y réussir, il attendit, caché dans une maison du bourg, le temps où elle devait prendre les derniers engagements, résolu d’y mettre obstacle ; mais, lorsqu’elle parut avec le voile qui la couvrait ; qu’il aperçut le drap mortuaire sous lequel elle devait être mise ; qu’il se représenta que c’était lui, que c’étaient ses perfidies qui l’avaient contrainte à s’ensevelir dans un cloître ; que cet état, peut-être si contraire à son inclination, lui avait paru plus doux que de vivre avec lui, il se sentit pénétré d’une douleur si vive, et fut si peu maître de la cacher, qu’on l’obligea de sortir de l’église.

M. le vicomte de Polignac, neveu de madame l’abbesse, qui était présent, le mena dans l’appartement des étrangers : son désespoir était si grand, qu’il fallut le sauver de sa propre fureur. Enfin, après bien de la peine, il obéit à l’ordre de partir qu’on lui donna de la part de mademoiselle de Joyeuse, et se retira dans une de ses terres, occupé uniquement de son amour et du bien qu’il avait perdu : une maladie de langueur termina au bout de quelques mois sa vie et ses peines.

Cependant la scène qui s’était passée dans l’église, si nouvelle pour les religieuses, excita leurs murmures : les plus accréditées représentèrent à madame du Paraclet qu’un éclat de cette espèce demandait que mademoiselle de Joyeuse fût examinée de nouveau, et que la profession fût différée. Il fallut se soumettre à cette condition. Le temps qu’on avait demandé pour cet examen n’était pas encore écoulé quand M. de la Valette arriva au Paraclet. Le changement de fortune et d’état de mademoiselle de Joyeuse ne lui avait pas été