Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/376

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

retourner dès le commencement de la belle saison. Quelques arrangements domestiques m’obligèrent à le laisser partir seul.

Le lendemain de son départ, je reçus un billet par le curé de notre paroisse. On me priait, au nom de Dieu, de venir dans un endroit qu’on m’indiquait ; on ajoutait, qu’on avait des choses importantes à me dire, et qu’il n’y avait point de temps à perdre. Le curé, homme d’honneur, s’offrit de me conduire. Ce billet, et ce qu’il contenait, me donnèrent une telle émotion, que je n’eus pas l’assurance de demander à mon conducteur l’éclaircissement de cette aventure.

Dès que je fus entrée dans la chambre où il me mena, et à portée du lit, une personne qui y était couchée fit un effort pour se mettre sur son séant. Je vous demande pardon, madame, me dit-elle d’une voix faible et tremblante, d’oser paraître devant vous. Je suis cette malheureuse qui vous ai causé tant de peines ; c’est moi qui vous ai séparée de ce que vous aimiez ; c’est moi qui ai causé les malheurs de l’un et de l’autre, et c’est moi qui cause son éloignement et peut-être sa mort ; mais l’état où je suis vous demande grâce. Ayez pitié de moi ; daignez adoucir l’amertume de mes derniers moments par un pardon généreux. J’ose plus encore, j’ose implorer votre bonté pour une misérable créature : c’est le fruit de mon crime ; mais c’est l’enfant de celui que vous avez aimé, et ma mort va le laisser sans aucun secours.

Les larmes que cette femme répandait en abondance l’empêchèrent de continuer. Je suis naturellement bonne, et j’eusse été sensiblement touchée de l’état où je la