Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/378

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trouva la première, m’ordonna d’aller avec lui conduire le prisonnier dans la chambre qui lui était destinée. Je m’aperçus, quand nous y fûmes, qu’il y avait quelques marques de sang sur ses habits : je lui demandai, avec inquiétude, s’il n’était point blessé. Il ne l’était point, et j’en sentis de la joie. Son air noble, sa physionomie, les grâces répandues sur toute sa personne firent dès ce moment leur impression sur moi.

Quelle différence de la nuit qui suivit, avec toutes celles que j’avais passées jusque-là ! J’étais dans une agitation que je prenais pour l’effet de la simple pitié ! Hélas ! si j’avais connu quel sentiment s’établissait dans mon cœur, peut-être aurais-je eu la force de le combattre et d’en triompher. J’obtins le lendemain de mon frère que j’irais à sa place servir le prisonnier.

Je devançai le temps où le nouveau venu devait être interrogé, pour lui offrir mes soins : la tristesse dont il était accablé se répandait dans mon âme. Je n’ai guère passé d’heure plus agitée que celle que dura son interrogatoire : il semblait que le péril me regardait. Les témoins qui lui étaient confrontés me paraissaient mes propres ennemis. Chaque jour, chaque instant ajoutait à ma peine. J’entendais dire à mon père, que je ne cessais de questionner, que l’affaire devenait très-fâcheuse, et que les suites ne pouvaient en être que funestes.

La maladie de M. de Barbasan arrêta les procédures, sans ralentir la haine de ceux qui voulaient le perdre, et me fit éprouver une inquiétude encore plus cruelle que celle ou j’étais livrée.

Je ne quittais presque point le malade : je n’avais