Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/379

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pas même besoin pour cela d’user de déguisement : il faisait si peu d’attention à moi, qu’à peine en étais-je aperçue. Combien de larmes le danger où je le voyais me faisait-il répandre ! Ce danger augmentait encore mon attendrissement, et ma passion en prenait de nouvelles forces. Enfin, après avoir lutté plusieurs jours entre la vie et la mort, sa jeunesse et la force de son tempérament le rétablirent.

Ce fut dans ce même temps qu’on fit des propositions pour la liberté du prisonnier. L’établissement dont mon père jouissait lui paraissait préférable à une fortune plus considérable, pour laquelle il eût fallu abandonner sa patrie, et s’exposer même aux plus grands périls ; mais sa tendresse pour mon frère et pour moi l’emporta : il céda à nos prières et à nos importunités, et nous le déterminâmes enfin à ce qu’on souhaitait de lui. Je n’avais point fait mystère à mon frère de ma passion ; je la lui avais montrée aussi violente qu’elle était, bien sûre que l’amitié qu’il avait pour moi l’engagerait à me servir.

Je lui avais persuadé que j’étais aimée autant que j’aimais ; que M. de Barbasan m’épouserait dès que nous serions en sûreté. Mon frère était chargé d’accompagner M. de Barbasan, et mon père et moi devions prendre une route différente de la leur. Au moment du départ, mon frère consentit à me donner sa place : la chose était d’autant plus facile, que nous ne pouvions partir que la nuit, et qu’il avait été résolu entre nous que je suivrais mon père avec des habits d’homme : mon frère s’était chargé de lui apprendre, lorsqu’ils seraient en chemin, mon préten-