Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/387

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chercher ; mais je n’osais troubler ses rêveries, ni lui en marquer ma peine ; je craignais des reproches que bien souvent il ne pouvait retenir. Je les méritais trop pour m’en offenser.

Je m’en faisais ta moi-même de bien cruels. Quel était le fruit de mes tromperies et de ma folle passion ! Je m’étais précipitée dans un abyme de malheurs, et, ce qui est encore au-dessus des malheurs, je m’étais couverte de honte. Les nuits entières étaient employées à pleurer. Hélas ! aurais-je pu penser que je regretterais un état si affreux ? Comment m’imaginer que des malheurs mille fois plus grands m’attendaient encore.

Un jour, que, malgré la vue d’une mort prochaine, je ne puis encore me rappeler qu’avec douleur, je sortis pour aller à l’église, M. de Barbasan y vint un moment après moi : je crus m’apercevoir qu’il avait l’air distrait et quelque nouvelle inquiétude. Je me fis effort pour lui dire quelque bagatelle ; il n’y répondit point, et sortit le premier. Une femme de ma connaissance m’arrêta quelques moments, et m’empêcha de le suivre. Lorsque je rentrai dans la maison, j’appris qu’il n’y était pas encore revenu : je l’attendis une partie du jour ; je le fis chercher et le cherchai moi-même dans tous les endroits où il pouvait être, et même dans ceux où il n’allait jamais. Le jour et la nuit se passèrent sans que j’en apprisse aucune nouvelle.

Grand Dieu ! quel jour et quelle nuit ! Mon inquiétude et mon impatience me causaient une douleur presque aussi sensible que celle que je ressentis en lisant la fatale lettre qu’un inconnu remit le lendemain à une femme qui me servait.