Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/389

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J’exhortai à mon tour le curé de donner tous ses soins pour le soulagement de la malade : je l’assurai des secours dont elle aurait besoin. Je me fis apporter cet enfant malheureux : je le considérais avec attendrissement ; je sentais qu’il me devenait cher. Ma tendresse pour le père se tournait au profit du fils. Nul scrupule ne me retenait ; il me semblait au contraire que la simple humanité aurait exigé de moi tout ce que je faisais.

La malade me pria de faire emporter cet enfant : Je sens, dit-elle en répandant quelques larmes, que c’est m’arracher le cœur ; mais je n’avance que de peu de jours une séparation que ma mort rendra bientôt nécessaire. Peut-être, ô mon Dieu ! poursuivit-elle, daignerez-vous me regarder en pitié ! peut-être que ce sacrifice, tout forcé qu’il est, désarmera votre justice ! Voilà, dit-elle en embrassant son fils, les dernières marques que tu recevras de ma tendresse : puisses-tu être plus heureux que ton père ; et puissent les malheurs de ma vie servir à ton instruction, et t’apprendre dans quel abyme de maux on se précipite, quand on quitte le chemin de la vertu.

Le curé se chargea de chercher un lieu où cet enfant pût être élevé ; je voulais qu’on n’y épargnât rien ; mais le secret que j’étais obligée de garder ne me permit pas de faire tout ce que j’aurais voulu.

La singularité de cette aventure, le plaisir d’avoir appris, par ma rivale même, que Barbasan m’avait toujours été fidèle, le spectacle d’une femme mourante, qui ne mourait que de la douleur d’avoir été abandonnée, et qui ne l’avait été que pour moi,