Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/390

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m’avaient mise dans une situation où je ne sentis d’abord que de la tendresse et de la pitié ; mais lorsque, rendue à moi-même, je fis réflexion à ce que je devais à mon mari, à ce que la reconnaissance, à ce que le devoir exigeaient de moi, je me sentis accablée de douleur.

Comment soutenir la présence de ce mari, dont les bontés, dont la confiance, me reprocheraient dans tous les instants ce que j’avais dans le cœur ? Comment recevrais-je des témoignages d’une estime dont je n’étais plus digne ? Comment répondrais-je aux marques d’une passion que je payais si mal ? Les idées dont j’avais le cœur et la tête remplie m’occupaient le jour et la nuit. J’avais promis de ne rester qu’un jour ou deux à Paris ; mais il me fallait plus de temps pour me rendre maîtresse de mon extérieur.

Eugénie, à qui j’allai conter ce qui venait de m’arriver, lut dans mon cœur, à travers toutes mes douleurs, une joie secrète que me donnait la fidélité de Barbasan. Voilà votre véritable malheur, me disait-elle ; vous ne combattez que faiblement des sentiments auxquels il me semble que votre devoir seul met obstacle ; il faut cependant en triompher, et votre repos l’exige autant que votre devoir. Quoique l’offense que vous feriez à votre mari fût renfermée dans le fond de votre cœur, elle n’en serait pas moins une offense, et vous ne devriez pas moins vous la reprocher. Il faut même, poursuivit-elle, vous précautionner pour l’avenir : M. de Barbasan peut reparaître en ce pays-ci ; il peut chercher à vous voir. Ah ! m’écriai-je, je ne serai pas assez heureuse pour être dans le cas de l’éviter : il aura trouvé la mort qu’il allait cher-