Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/39

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venue plutôt. Je prévenais par-là les procès que je craignais tant. Mon père, qui y était très-engagé, pouvait, pour les terminer, consentir à mon mariage avec Adélaïde ; mais, quand cette espérance n’aurait point eu lieu, je ne pouvais consentir à donner des armes contre ce que j’aimais. Je me reprochai même d’avoir gardé si long-temps quelque chose dont ma tendresse m’aurait dû faire faire le sacrifice beaucoup plus tôt. Le tort que je faisais à mon père ne m’arrêta pas ; ses biens m’étaient substitués, et j’avais eu une succession d’un frère de ma mère que je pouvais lui abandonner, et qui était plus considérable que ce que je lui faisais perdre.

En fallait-il davantage pour convaincre un homme amoureux ? Je crus avoir droit de disposer de ces papiers ; j’allai chercher la cassette qui les renfermait : je n’ai jamais passé de moment plus doux, que celui où je les jetai au feu. Le plaisir de faire quelque chose pour ce que j’aimais, me ravissait. Si elle m’aime, disais-je, elle saura quelque jour le sacrifice que je lui ai fait ; mais je le lui laisserai toujours ignorer, si je ne puis toucher son cœur. Que ferais-je d’une reconnaissance qu’on serait fâché de me devoir ? Je veux qu’Adélaïde m’aime, et je ne veux pas qu’elle me soit obligée.

J’avoue cependant que je me trouvai plus de hardiesse pour lui parler : la liberté que j’avais chez elle m’en fit naître l’occasion dès le même jour.

Je vais bientôt m’éloigner de vous, belle Adélaïde, lui dis-je : vous souviendrez-vous quelquefois d’un homme dont vous faites toute la destinée ? Je n’eus pas la force de continuer : elle me parut interdite ; je crus