Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/40

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même voir de la douleur dans ses yeux : Vous m’avez entendu, repris-je ; de grâce répondez-moi un mot. Que voulez-vous que je vous dise, me répondit-elle ? je ne devrais pas vous entendre, et je ne dois pas vous répondre. À peine se donna-t-elle le temps de prononcer ce peu de paroles ; elle me quitta aussitôt ; et, quoi que je pusse faire dans le reste de la journée, il me fut impossible de lui parler ; elle me fuyait : elle avait l’air embarrassée. Que cet embarras avait de charmes pour mon cœur ! Je le respectai ; je ne la regardais qu’avec crainte, il me semblait que ma hardiesse l’aurait fait repentir de ses bontés.

J’aurais gardé cette conduite si conforme à mon respect et à la délicatesse de mes sentiments, si la nécessité où j’étais de partir ne m’avait pressé de parler ; je voulais, avant que de me séparer d’Adélaïde, lui apprendre mon véritable nom. Cet aveu me coûta encore plus que celui de mon amour. Vous me fuyez, lui dis-je : eh ! que ferez-vous quand vous saurez tous mes crimes, ou plutôt tous mes malheurs ! Je vous ai abusée par un nom supposé ; je ne suis point ce que vous me croyez ; je suis le fils du comte de Comminge. Vous êtes le fils du comte de Comminge, s’écria Adélaïde ? Quoi ! vous êtes notre ennemi ? C’est vous, c’est votre père, qui poursuivez la ruine du mien ? Ne m’accablez point, lui dis-je, d’un nom aussi odieux. Je suis un amant prêt à tout sacrifier pour vous. Mon père ne vous fera jamais de mal ; mon amour vous assure de lui.

Pourquoi, me répondit Adélaïde, m’avez-vous trompée ? que ne vous montriez-vous sous votre véritable nom ? il m’aurait averti de vous fuir. Ne vous repentez