Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/399

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

saient sentir l’énormité de son crime, apprit à mon homme d’affaires que le duc de N…, mon beau-père, était l’auteur de cet enlèvement ; que son dessein était de me conduire dans un vieux château qui lui appartenait, situé dans les montagnes du Gévaudan ; que les biens considérables que l’on m’avait reconnus quand je m’étais mariée, lui avaient fait naître le dessein de s’en rendre maître, et que, pour y parvenir, il avait voulu s’assurer de ma personne, pour m’obliger, le poignard sur la gorge, de faire une donation à mon frère. Cet homme ajouta que mon beau-père ne m’eût pas laissé le temps de révoquer ce que j’aurais fait ; mais que je n’avais plus rien à craindre, et que c’était lui qui avait été tué par celui qui m’avait secourue.

Mon homme d’affaires, qui me rendit compte de ce qu’il venait d’apprendre, me glaça d’effroi. Le péril que j’avais couru augmentait encore ma reconnaissance et mon inquiétude pour mon défenseur : j’en demandais des nouvelles à tout moment. Mes gens, qui voyaient que j’avais besoin de repos, me cachèrent le plus long-temps qu’il leur fut possible le malheureux état où il était. La connaissance ne lui revint que lorsqu’on eut sondé ses blessures : il voulut savoir son état, et le demanda de façon que les chirurgiens furent contraints de lui avouer qu’il n’avait pas vingt-quatre heures à vivre. Un homme, que l’on jugea son valet de chambre, vint dans la nuit ; dès qu’il le vit, il pria qu’on les laissât seuls.

Ce ne fut que le lendemain qu’on m’annonça ces affligeantes nouvelles ; et peu d’heures après, on m’ap-