Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/47

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

portai sur un lit, tandis qu’on mettait sa mère, qui était beaucoup plus blessée qu’elle, dans un autre. Pendant qu’on était occupé près de madame de Lussan, j’eus le temps de conter à Adélaïde une partie de ce qui s’était passé entre mon père et moi. Je supprimai l’article des papiers brûlés, dont elle n’avait aucune connaissance. Je ne sais même si j’eusse voulu qu’elle l’eût su. C’était en quelque façon lui imposer la nécessité de m’aimer, et je voulais devoir tout à son cœur. Je n’osai lui peindre mon père tel qu’il était. Adélaïde était vertueuse. Je sentais que, pour se livrer à son inclination, elle avait besoin d’espérer que nous serions unis un jour : j’appuyai beaucoup sur la tendresse de ma mère pour moi, et sur ses favorables dispositions. Je priai Adélaïde de la voir. Parlez à ma mère, me dit-elle ; elle connaît vos sentiments ; je lui ai fait l’aveu des miens ; j’ai senti que son autorité m’était nécessaire pour me donner la force de les combattre, s’il le faut, ou pour m’y livrer sans scrupule ; elle cherchera tous les moyens pour amener mon père à proposer encore un accommodement ; nous avons des parents communs que nous ferons agir. La joie que ces espérances donnaient à Adélaïde me faisait sentir encore plus vivement mon malheur. Dites-moi, lui répondis-je, en lui prenant la main, que, si nos pères sont inexorables, vous aurez quelque pitié pour un malheureux. Je ferai ce que je pourrai, me dit-elle, pour régler mes sentiments par mon devoir ; mais je sens que je serai très-malheureuse, si ce devoir est contre vous.

Ceux qui avaient été occupés à secourir madame de Lussan s’approchèrent alors de sa fille, et rompirent