Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/50

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le dernier moment de joie que j’ai ressenti) ; elle me mandait que tous nos parents travaillaient à raccommoder notre famille, et qu’il y avait lieu de croire qu’ils y réussiraient.

Je fus ensuite six semaines sans recevoir des nouvelles. Grand Dieu ! de quelle longueur les jours étaient pour moi ! j’allais dès le matin sur le chemin par où les messagers pouvaient venir ; je n’en revenais que le plus tard qu’il m’était possible, et toujours plus affligé que je ne l’étais en partant ; enfin, je vis de loin un homme qui venait de mon côté ; je ne doutais point qu’il ne vînt pour moi, et, au lieu de cette impatience que j’avais quelques moments auparavant, je ne sentis plus que de la crainte ; je n’osais m’avancer ; quelque chose me retenait ; cette incertitude, qui m’avait semblé si cruelle, me paraissait dans ce moment un bien que je craignais de perdre.

Je ne me trompais pas : les lettres, que je reçus par cet homme, qui venait effectivement pour moi, m’apprirent que mon père n’avait voulu entendre à aucun accommodement ; et, pour mettre le comble à mon infortune, j’appris encore que mon mariage était arrêté avec une fille de la maison de Foix ; que la noce devait se faire dans le lieu où j’étais ; que mon père viendrait lui-même dans peu de jours pour me préparer à ce qu’il désirait de moi.

On juge bien que je ne balançai pas un moment sur le parti que je devais prendre. J’attendis mon père avec assez de tranquillité ; c’était même un adoucissement à ma malheureuse situation, d’avoir un sacrifice à faire à Adélaïde. J’étais sûr qu’elle m’était fidèle ; je